Les jeunes et la Sécurité sociale

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Concours "les jeunes et la Sécurité sociale"

Organisé par l’EN3S, en partenariat avec le Ministère de l’Éducation nationale, et avec le soutien des organismes de la Sécurité sociale, le concours vise à faire réfléchir les jeunes, lycéens des séries générales, technologiques et professionnelles, et étudiants de sections de techniciens supérieurs (BTS SP3S…) sur le sens à donner à la solidarité et à s’interroger sur leur lien en tant que citoyen avec la Sécurité sociale.
La seconde édition s’est tenue de septembre 2017 à 2018. Les 3452 participants avaient 4 thèmes au choix autour de la Sécurité sociale. Le challenge était de formaliser leur réflexion sous la forme d’une production concrète : vidéo, photographie, bande dessinée…
Les thèmes proposés pour cette édition:
• Thème 1 : Comment redonner souffle à l’esprit de solidarité au sein de l’Europe ?
• Thème 2 : Quelles initiatives locales pour une solidarité renforcée ?
• Thème 3 : Une digitalisation pour une meilleure prévention.
• Thème 4 : Les principes et les valeurs de la Sécurité sociale

Nous avons choisi de présenter dans les articles qui suivent le travail réalisé par les élèves de 1ère ST2S 1 du Lycée Chaptal Quimper entre novembre 2017 et janvier 2018

Passeurs de mémoire sur la Sécurité sociale

La classe de 1ère ST2S 1 du Lycée Chaptal Quimper a choisi de réaliser une démarche d’enquête impliquant les élèves dans un projet intitulé « passeurs de mémoires sur la sécurité sociale dans la société française après la 2nde guerre mondiale », en lien avec le thème 4 : Les principes et les valeurs de la Sécurité sociale, proposé dans le cadre de ce concours.

Avec leurs enseignants, les élèves ont mené une démarche d’enquête en allant interviewer des personnes retraitées qui étaient jeunes à cette époque pour qu’elles nous racontent comment les choses se sont passées pour elles lors de la mise en place de la Sécurité sociale. Ainsi nous cherchons à comprendre : « En quoi bénéficier d’une Protection sociale a changé la vie des gens et de leurs familles ? »

Présentation de la démarche d'enquête

Pour mettre en œuvre notre démarche d’enquête, nous avons créé un guide d’entretien afin de nous guider dans notre recueil de données et avons abordé dans nos questions les thématiques de la prise en charge des risques traditionnels dans les domaines de la famille, de la santé, du travail, et de la vieillesse. Nous avons ensuite rédigé un courrier pour expliquer notre démarche que nous avons transmis au proviseur du lycée pour qu’il le valide et nous autorise à rechercher des personnes retraitées qui accepteraient d’être interviewées.
Nous avons recherché des personnes retraitées en sollicitant des EHPAD, le club de retraités de la MGEN, et des personnes de notre entourage qui correspondaient aux caractéristiques du public que nous souhaitions rencontrer, c’est-à-dire auprès de personnes âgées, nées avant la guerre 39-45 et qui pouvaient se souvenir de moments marquants vécus à cette période leur vie, en lien avec la création de la sécurité sociale.
Nous nous sommes répartis par petits groupes de 3 à 5 élèves et nous avons interviewé au total 9 personnes retraitées en expérimentant notre guide d’entretien. Nous n’avions jamais mené de travail d’enquête de ce type, auparavant. Ce fut donc l’occasion de mettre en pratique une méthodologie, étudié en cours de sciences sanitaires et sociales et cela n’a pas toujours été simple de se faire comprendre...
Après ce recueil de témoignages, nous avons rédigé un compte rendu retranscrivant les éléments recueillis pour chaque entretien mené, sous la forme de 9 portraits /témoignages de vie présentant les personnes et leur vécu de cette période historique.

Entretien n°1 : Marcel et Monique

Lison, Léa, Cécile Bleuen et Maeva
Nous avons rencontré Marcel et Monique, un couple de retraités. Marcel est né en 1925 dans un village du Finistère, il est aujourd’hui âgé de 92 ans. Monique est née en 1934.
Marcel est le plus jeune de la fratrie. Il avait un frère, tué pendant la Seconde Guerre mondiale, en 1940 et 3 sœurs maintenant décédées, de vieillesse. Son père était menuisier et sa mère travaillait au lavoir de la commune. Il a été scolarisé à l’école publique jusqu’à l’âge de 14 ans. Il a obtenu son certificat d’études à 12 ans et aimait étudier. Par la suite, il a travaillé avec son père en tant qu’apprenti menuisier de 1939 à 1946. Il a travaillé très tôt pour aider son père qui s’était abîmé une main suite à un accident du travail. Celui-ci lui a appris à être très habile pour l’aider dans les travaux de précision.
Durant cette période, Marcel ne percevait pas de salaire et était logé et nourri par ses parents. Il se rappelle que l’électricité a été installée dans la commune en 1934 et l’eau courante n’est arrivée qu’en 1953. Il travaillait dans les fermes du coin, chaque artisan avait sa clientèle. Il allait travailler à pieds ou à vélo.
Il ne se rappelle pas avoir été informé de la mise en place de la sécurité sociale, en 1945. L’information ne circulait pas très bien à cette époque.
Il a rapidement trouvé du travail en se rendant à Caen en 1946, pour travailler à la reconstruction de cette ville. C’est à ce moment qu’il a eu sa première carte d’assuré social : ses employeurs avaient l’obligation d’en procurer une à leurs ouvriers. Il a aussi bénéficié de 15 jours de congés payés par an ce qui lui permettait de retrouver sa famille. lI a travaillé ainsi comme salarié pendant 2 ans, ensuite il s’est installé comme artisan menuisier dans son village d’origine.
Un grand nombre de personnes étaient favorables à la mise en place de la sécurité sociale, les gens étaient heureux. Marcel avait une assurance différente en tant qu’ artisan, mais son épouse et ses deux enfants ont pu bénéficier de la sécurité sociale puisque Monique qui avait travaillé comme salariée, était autorisée à cotiser en tant qu’assurée volontaire. Avant la mise en place de la sécurité sociale, les gens allaient très rarement chez le médecin car le coût était élevé et les frais de consultation à leurs frais. Le médecin le plus proche était situé à 8 kms, à Quimper. Celui-ci se déplaçait à domicile et le déplacement n’était pas facturé. Les personnes se déplaçaient à pieds, en car ou à vélo si elles allaient le consulter à son cabinet.
Pour se faire rembourser d’une visite chez le médecin, ils devaient remplir une feuille de soins et la transmettre à la caisse. Les visites médicales étaient assez bien remboursées et en cas d’accident du travail les soins étaient intégralement remboursés. Pour se procurer des médicaments, il fallait se déplacer sur Quimper. Les antibiotiques étaient partiellement remboursés. Concernant les enfants, plusieurs visites et vaccins étaient obligatoires (BCG, tétanos, variole). Chaque enfant avait un carnet de vaccinations, mais pas de carnet de santé. Les enfants n’étaient pas vaccinés contre les maladies infantiles comme maintenant (rougeole, rubéole, oreillons...). Marcel avait un carnet de santé, mais le médecin refusait de le remplir. Le suivi des enfants était remboursé par la sécurité sociale.
Ils allaient très rarement chez le dentiste car il y en avait très peu et c’était cher. Les gens ne prenaient pas beaucoup soin de leur dentition qui était souvent abîmée de bonne heure. La consultation chez un ophtalmologiste était rare également car ces spécialistes n’étaient pas nombreux et il fallait également se déplacer sur Quimper si besoin. Les parents de Marcel percevaient des allocations familiales versées par la Mairie dès 1938. Leur versement a été généralisé en 1946. Les allocations familiales ont beaucoup aidé les familles et ont permis à certains enfants de poursuivre plus longtemps leurs études.
Marcel a connu un de ses grands-pères né en 1850 et décédé en 1930. Celui-ci touchait une retraite d’ancien combattant. Marcel nous a raconté deux épisodes qui se sont déroulé l’un avant la mise en place de la sécurité sociale et l’autre après :
En 1920, son père a eu un grave accident du travail et s’est abîmé la main droite. Il n’a pas été indemnisé et a dû s’adapter pour continuer son activité professionnelle, à travailler avec sa main gauche.
En 1951, sa sœur a été victime d’un grave accident du travail qui lui a endommagé la colonne vertébrale, ce qui a nécessité une opération. Les soins ont intégralement été pris en charge par la sécurité sociale.
En conclusion, cet entretien nous a ouvert l’esprit sur l’importance de la sécurité sociale. Nous avons appris beaucoup de choses que nous n’imaginions pas ; maintenant, nous réfléchirons à deux fois avant d’aller consulter le médecin.

Entretien n°2 : Jean

Aurélien, Clara, Anaëlle, Klara
Jean est né en 1938 dans un milieu rural. Il était fils de paysans, il vivait avec ses grands- parents, ses parents, son frère ainsi que sa soeur dans la ferme familiale dans laquelle il gardait les vaches à partir de l’âge de 12-13 ans. Actuellement ce statut correspond à celui de l’aidant familial. Il a été scolarisé jusqu’à ses 19 ans et il a obtenu ses deux baccalauréats. Ensuite il a suivi une année de formation professionnelle afin de devenir instituteur.
Jean ne se rappelle pas de la période de la mise en place de la sécurité sociale car il n’était encore qu’un enfant. Mais il se souvient de comment c’était avant et après. Il obtient sa carte d’immatriculation le 1er octobre 1957 car jusqu’alors il était considéré comme fils de paysan et non comme instituteur. Grâce à son statut de fonctionnaire de l’Éducation Nationale, à l’âge de 19 ans il était le seul assuré social, ses parents ne l’étaient pas car c’est seulement en 1961 que les paysans peuvent bénéficier de ce droit. En 1945 les exploitants agricoles n’adhèrent pas à ces assurances sociales car ils souhaitaient rester indépendants jusqu’en 1961 où ils acceptent ce droit.
Avant cette période on n’allait chez le médecin seulement en cas d’extrême nécessité (maladie grave, blessure grave, ou risque de mortalité...) car les médecins sont situés dans les grands bourgs (10 Km). Pour la famille de Jean les seuls moyens de transport sont à pieds, à vélo ou encore à voiture à cheval. Par exemple lorsqu’il a perdu un morceau de son doigt, coupé lorsqu’il faisait de la viande hachée, il avait jugé que cet incident n’était pas assez important pour aller consulter le médecin.
Pour payer le médecin on paye avec ce que l’on a quand on n’a pas d’argent et on fait du troc (c’est-à-dire que l’on paye en nourriture, alcool, service quelconque...). Après la création de la sécurité sociale les médecins restaient éloignés quand on habitait à la campagne, mais on y allait plus fréquemment car les soins étaient remboursés. Pour cela il fallait expédier une feuille de soins à la MGEN, les tarifs de remboursement variaient selon les médecins et les médicaments.
A l’époque lorsque les vieilles personnes avaient de la chance ils pouvaient résider jusqu’à leur fin de vie chez leurs enfants, sinon ils étaient accueillis dans des hospices. Les enfants quant à eux étaient accueillis dans des dispensaires ou il y avait des infirmières qui leurs procuraient des soins gratuits et étaient vaccinés. Il n’est pas certain que sa famille ait bénéficié des allocations familiales, peut-être seulement pour sa petite soeur car lui et son frère étaient trop âgés. En effet l’âge limite est de 14 ans. Pour conclure, cet entretien a été intéressant selon nous car il nous a permis de prendre conscience de l’importance de la création de la sécurité sociale car nous les jeunes n’avont pas connu la vie sans celle-ci.

Entretien n°3 : Marie-Josèphe

Chloé, Maïna, Clara
Marie-Josèphe est la grand-mère d'une personne du groupe, on l'a donc contactée par téléphone. Elle est née en 1934 en zone rurale avec un frère plus jeune. Elle a grandi à Ouessant dans la maison familiale, avec son petit frère, son père sans emploi et sa mère employée d'hôtel. Marie-Josèphe âgée aujourd’hui de 83 ans est sans diplôme, elle a arrêté sa scolarité à 14 ans et a commencé à travailler un an plus tard. Marie-Josèphe a débuté comme apprentie en tant qu’employée de maison puis est devenue salariée dans le commerce. D'après elle, la population a pu bénéficier des assurances sociales lors de la création de la sécurité sociale en 1945.
Marie-Josèphe a obtenu sa première carte d'immatriculation à la sécurité sociale à l'âge de 15ans (1949), elle était la seule assurée de sa famille. Au cours de sa vie, elle a résidé dans de nombreuses villes comme Brest, Quimper, Cherbourg, Toulon, Bordeaux, Lyon et elle vit actuellement à Ouessant. Elle a toujours réussi à consulter un médecin quand elle en avait le besoin, malgré les frais médicaux important à payer d'avance. Pour se faire rembourser une partie des frais, Marie-Josèphe devait compléter une fiche de soin et l’expédier à la sécurité sociale. Pour obtenir des médicaments totalement remboursés, elle n'a jamais eu de mal à trouver une pharmacie.
Les enfants ne possédaient pas de carnet de santé tout comme elle, mais étaient vaccinés (BCG). Le suivi santé des enfants était remboursé par la sécurité sociale et la mutuelle pour ceux qui en avaient une. La population consultait régulièrement le dentiste pour entretenir leur dentition. À Quimper les dentistes étaient nombreux contrairement à Ouessant où il n'y en a pas du tout. Les prothèses dentaires étaient mal remboursées et cette dépense difficiles à assumer pour une partie de la population.
Cet entretien nous a apporté des connaissances précises sur la vie à l’époque à laquelle la sécurité sociale s’est mise en place. Malgré quelques questions trop précises, qui sont restées sans réponses, on a pu comprendre que certains changements s’étaient produits dans les modes de vie des gens. L’accès à la protection sociale semble plus facile à tous maintenant. Nous pouvons aussi nous rendre compte de la chance que l'on a d'avoir la possibilité d'accéder aux soins facilement.

Entretien n°4 : Pierre

Lou, Chiara, Margaux
Nous avons rencontré Pierre le 17/01/2018 au Guilvinec. Pierre est né en 1935, il a donc pu connaître les débuts de la sécurité sociale malgré son jeune âge. Il vivait en milieu urbain avec ses deux frères et ses parents. Son père était dirigeant d'entreprise et sa mère au foyer. Sa famille était plutôt aisée ce qui lui a permis de faire des études d'ingénieur pour avoir plus tard un bon travail à l'âge de 25 ans en tant qu'ingénieur textile.
Nous avons abordé plusieurs thèmes avec lui comme la Protection sociale. D'après Pierre, seules les personnes salariées ont eu la possibilité de bénéficier des assurances sociales dès le début de l'apparition de la sécurité sociale. Beaucoup de personnes étaient pour que la plupart des personnes soient assurées. Pierre nous a expliqué que son père était salarié et bénéficiait de la sécurité sociale, les cotisations étaient déduites de son salaire et que donc celui-ci baissait un peu. Il lui semble avoir été assuré pour la première fois en 1945 en tant qu’ayant droit de son père.
Nous avons ensuite parlé de la santé. D'après lui, lorsqu'on était malade le médecin se déplaçait au domicile du patient et ses parents devaient le payer immédiatement. Vu qu'il habitait en milieu urbain, les cabinets médicaux se situaient près de chez lui, dans le centre- ville. Lorsque la sécurité sociale s'est mise en place, ses parents devaient faire l'avance au médecin et celui-ci donnait une feuille à la famille pour le remboursement de la consultation. Pour Pierre et sa famille l'accès aux pharmacies était relativement simple, comme pour la consultation chez le médecin il fallait faire une avance pour se procurer des médicaments. Pour lui les personnes handicapées ou gravement malades, ne pouvant plus travailler ne recevaient pas de salaire. Grâce à la mise en place de la sécurité sociale un organisme versait des indemnités journalières aux salariés si le médecin prescrivait un arrêt maladie.
Ensuite nous avons évoqué la protection maternelle et infantile. Les enfants devaient consulter lorsqu'ils étaient malades. Ils y avaient des vaccins obligatoires dont celui pour le tétanos et l'autre pour la diphtérie. Pour la santé bucco-dentaire Pierre nous raconte que lui et sa famille n'allaient pas souvent chez le dentiste, mais ses parents prêtaient tout de même attention à l'hygiène dentaire de leur enfants. « Cela coûtait très cher, et je crois que la consultation chez le dentiste n'était pas remboursée » nous dit Pierre. Pour les lunettes et les rendez-vous chez l'opticien Pierre ne pouvait pas nous donner d'informations car il n'en a jamais eu besoin étant jeune, mais d'après lui cela coûtait certainement très cher.
Cette rencontre nous a permis de comprendre les changements importants qu'il y a eu entre l'arrivée de la sécurité sociale et quand celle-ci n'existait pas encore. Cela nous a fait prendre conscience de la chance que nous avons de posséder une sécurité sociale car la vie sans elle semble beaucoup plus rude.

Entretien n°5 : Albertine

Mélanie, Flavie
Nous avons interrogé Albertine née en 1931 quelques années avant la seconde guerre mondiale et âgée de 86 ans. Nous l’avons rencontrée à son domicile en zone littorale, à 100 m de la mer. L’entretien s’est bien déroulé car Albertine aime parler de son passé, seul problème elle trouvait les questions trop complexes, trop détaillées. Albertine a eu 3 frères tous plus âgés qu’elle. L’aîné de la fratrie, Albert, est décédé lors de la seconde guerre mondiale d’une balle perdue. Le second, Corentin a dû se cacher dans la cave de la maison avec l'aide de sa mère, pour éviter de partir lui aussi au combat. Le troisième, Jacques est resté avec ma mamie pour s’occuper d’elle quand ses parents travaillaient à la ferme, ou étaient trop préoccupés par la guerre.
Elle a grandi dans une ferme où elle aidait ses parents à travailler tout en continuant ses études, car elle a été scolarisée jusqu’à ses 14 ans. Elle a eu son certificat d’études, avec une très grande fierté, car elle était la seule fille de sa classe à l’avoir eu.
Au cours de sa vie, elle s’est passionnée pour l’élevage des animaux de la ferme (moutons, poules, chèvres), en plus d'être mère au foyer (7 enfants).
Albertine peut être qualifiée de généreuse, d’une grande patience, qui pourrait tout donner aux autres, sans forcément penser à elle en premier. Cette dame au grand cœur a vécu de nombreuses choses que certaines personnes n’ont jamais vécu et ne vivront pas. Elle a eu sa première carte de sécurité sociale de la marine marchande vers l'âge de 30 ans, après son mariage. Son mari et elle étaient donc assurés ainsi que leurs 7 enfants. Si un membre de la famille rencontrait un problème de santé grave, et seulement si la pathologie étaient grave pour la personne, ils allaient chez le médecin, mais ensuite, il fallait assumer le coût de la consultation donc il fallait avoir les moyens. Si cette personne n'avait pas les moyens d'assumer, la famille prenaient en charge à temps plein la personne. Le médecin ne pouvait se déplacer qu'en charrette, donc si c'était une urgence il fallait rester patient en attendant le médecin. Pour obtenir des médicaments, deux pharmacies étaient à leur disposition à 3km de chez eux, mais les frais n'étaient pas entièrement remboursés.
Pour les enfants, le suivi de santé était le même que pour les parents. Les consultations étaient rares et seulement si un grave problème de santé était détecté. Ils n'avaient pas de carnet santé. Albertine n'a elle même pas eu de carnet de santé. Les vaccins étaient pratiqués à cette période. Par exemple, on vaccinait contre la tuberculose principalement, mais ils n'étaient pas obligatoires dans son souvenir. Le suivi santé des enfants n'était pas entièrement remboursé. Les adultes et les enfants n'allaient que très peu chez le dentiste et seulement s’il y avait un soin à effectuer. Il n'y avait pas de consultation bilan. À Camaret, il y avait 2 dentistes. Les prothèses n'étaient que très peu remboursées voir certaines fois pas du tout. Les dépenses était parfois impossible à assumer.
Quand les personnes avaient des problèmes de vue, ils s'achetaient des loupes pour s'aider, mais n'allaient que très rarement chez l’ophtalmologiste qui se trouvait à 3 heures de route. Il était donc très difficile d’accéder à un rendez-vous, il fallait attendre longtemps. Les lunettes n'étaient pas remboursées et les consultations très peu. Les Parents d'Albertine ne percevaient pas d'allocations familiales et n'ont perçu que très tard des aides spécifiques aux paysans. Ces versements ont aidé sa famille dans les dépenses quotidiennes, surtout pour les frais de santé. Albertine a eu la chance de connaître ses grands-parents. « Ils vivaient d'amour et d'eau fraîche » m'a t-elle dit. Car effectivement ils ne vivaient qu'avec le strict minimum, mais étaient très heureux et satisfaits de leur vie. Ils n'ont pas eu de retraite car ils se sont occupés de leur ferme et de leurs animaux jusqu’à la fin de leur vie. Ils vivaient grâce aux œufs de leurs poules, à leurs vaches, lapins, canards etc. En passant cet entretien, on se rend très vite compte que aujourd'hui, on se plaint souvent de pas grand-chose alors que dans le passé on se contentait de bien moins de choses que nous et ils en étaient très heureux. Ça fait réfléchir sur ce qui est de notre comportement actuel à tous comparé à ces personnes aux conditions de vie beaucoup moins confortables que nous.

Entretien n°6 : Simone

Tamara, Anouk, Clara
Nous avons interrogé Simone, l'arrière-grand-mère de Tamara, elle est née en 1931 et a vécu en milieu rural. Elle fait partie d’une fratrie de 8 frères et 4 sœurs, a eu une scolarité de 6 à 13-14 ans, n’a aucun diplôme et a commencé à travailler à l’âge de 15 ans dans une boulangerie en tant que salariée. Au cours de sa vie elle a exercé le métier d’employée de maison et d’agricultrice.
A la création de la Sécurité Sociale toute la population a eu le droit de bénéficier des assurances sociales. Elle a obtenu sa première carte d’immatriculation de la Sécurité Sociale lorsqu’elle a commencé à travailler. A 15 ans elle est assurée sociale pour la première fois. A cette époque pour se soigner, les personnes n’avaient pas la possibilité de consulter facilement. Elles n’avaient pas les moyens de payer le médecin car les assurance n'existaient pas donc aucun remboursement donc utilisaient une médecine alternative : les plantes,... En revanche, ils venaient lors des accouchements.
Les personnes malades ou victimes d'un accident de travail ne s’arrêtaient pas facilement. Elles s’efforçaient souvent de continuer à travailler. En milieu rural les cabinets médicaux se trouvaient généralement très éloignés : pour Simone le médecin le plus proche de chez elle se trouvait à Coray, à 15 Km. En revanche de nombreuses communes disposaient d’une pharmacie. Les enfants n'avaient pas de suivi médical, pas de vaccins et pas de carnet de santé, ils disposaient uniquement d'un livret de famille. Elle n'a pas eu accès au dentiste en revanche pour les problèmes de vues les personnes allaient chez l'oculiste (ancien ophtalmo). Pour Simone l'oculiste le plus proche se trouvait à une heure de chez elle.
Les allocations familiales sont venues en même temps que la Sécu, ses parents bénéficiaient de ces allocations car ils avaient une famille nombreuse (13 enfants), elles étaient versées une fois par mois ce qui les aidaient beaucoup. Elle a connu ses grands parents maternel et paternel qui étaient cultivateurs.
Cet entretien nous a fait découvrir des informations sur la vie d'avant et sur le début de la sécurité sociale, on visualise mieux l'importance de la sécurité sociale pour les personnes âgées. Les difficultés de cet entretien sont les questions, qui parfois étaient trop longues et répétitives malgré ça l'entretien c'est bien passé.

Entretien n°7 : Mélanie

Olivia, Zoé, Gaëlle
Samedi 13 janvier, nous avons rencontré Mélanie, la grand-mère d’Olivia. Mélanie est née le 17 juillet 1933 à Tréogat, elle vivait en milieu rural. Elle avait un frère et une sœur et ses parents étaient agriculteurs. Elle a commencé à aller à l’école vers 5-6 ans jusqu'à ses 14 ans et ensuite elle est allée dans un collège qui avant portait le nom de centre d’apprentissage jusqu'à ses 17 ans. Elle a obtenu son certificat d’études et a poursuivi ses études dans la couture mais elle n’a pas décroché son CAP couture.
Elle a commencé à travailler à 17 ans et demi comme ouvrière d’usine, jusqu'à sa retraite qu’elle a pu prendre à 60 ans. Ses parents ne bénéficiaient pas des assurances sociales car ils étaient agriculteurs. Pour elle, tout le monde était favorable à la création de la sécurité sociale, même si les salaires avaient un tout petit peu diminué.
Elle a obtenu sa première carte d’immatriculation en 1950 au début de son emploi.
Dans le secteur de la santé, les gens ne se soignaient pas avant la mise en place de la sécurité sociale. Les médecins n’étaient pas installés à proximité et pour bénéficier d’une visite médicale à domicile, il fallait aller chez un commerçant qui avait un téléphone pour pouvoir appeler le médecin. Le seul cabinet médical était à Plonéour-Lanvern situé à 6-7 km de son domicile. De plus il n’y avait pas de moyens de transports. Quand elle avait la possibilité d’avoir un médecin, elle devait faire l’avance du prix de la consultation, qui était chère. Pour être remboursé il fallait envoyer son ordonnance par la poste mais cela mettait beaucoup de temps et les personnes n’étaient pas totalement remboursées. Pour les médicaments, il fallait aller à la seule pharmacie du coin qui était à Plonéour-Lanvern et en plus le pharmacien était dentiste.
Avant la mise en place de la sécu, les handicapés n’avaient aucune aide c’était la famille qui devait les aider. Après la mise en place de la sécu il y avait des arrêts maladie et un petit peu d’indemnités sauf pour les agriculteurs. Avant comme après la mise en place de la sécu les personnes victimes d’accidents n’avaient aucune indemnité.
Pour les femmes enceintes, il n’y avait pas de spécialiste. Il n’y avait pas non plus de pédiatre donc pas de suivi spécialisé santé pour les enfants. Il n’y avait pas de carnet de santé et sa mère l’emmenait toujours chez le médecin à pieds. Pour les vaccins, les nourrissons n’étaient pas vaccinés. Elle se rappelle qu’à son entrée au collège elle a du faire des cutis.
Les personnes ne se préoccupaient pas de leur santé bucco-dentaire mais elle a eu de la chance car elle n’a pas eu de gros problèmes dentaires. Il y avait peu de dentistes et l’achat de prothèses dentaires était coûteux. Pour les lunettes, les personnes allaient chez le pharmacien pour essayer les lunettes qui leur convenaient le mieux.
Il y avait un peu d’allocations familiales pour le 3ème enfant qui était souvent utilisé pour acheter des vêtements. Elle a connu ses grands-parents qui « vivaient pauvrement mais heureux » ils ont perçu une petite pension de retraite au moment de la création de ces allocations. Ils vivaient aussi avec les ressources de leur ferme.
Elle nous a raconté des anecdotes sur sa famille, un jour son père avait une angine de poitrine et il a pu prendre un car pour aller voir un spécialiste à Quimper. Elle s’était blessée au genou et elle a pu avoir un arrêt de travail. Les personnes de moins de 18 ans ne pouvaient travailler que jusqu'à 22 heures alors que les autres pouvaient travailler toute la nuit. Son grand-père a dû aller à l’hôpital pour se faire couper une jambe car il avait la gangrène.
Cet entretien nous a appris beaucoup de choses sur la vie d’avant : comment les gens se soignaient sans la sécurité sociale, de mieux comprendre les conditions de vie et surtout la dureté de la vie à cette époque .

Entretien n°8 : Maryvonne

Marie, Gurvann, Maeva
J’ai appelé mon grand-père, pour savoir si cela le dérangeait et j’ai demandé à mes parents de m’emmener à Bénodet, commune littorale où habitent mes grands-parents. Ma grand-mère n’était pas conciliante et elle ne semblait pas intéressée par le projet. J’ai tout de même été bien accueilli et nous avons pu échanger et lui poser nos questions. Pour recueillir des informations, nous avons interviewé Maryvonne née en 1939. Auparavant, elle vivait dans un milieu urbain dans une maison avec ses parents. Elle est fille unique. Son père était artisan et sa mère femme au foyer. Scolarisée jusqu’à ses 19 ans, elle a obtenu un baccalauréat qui lui a servi pour devenir institutrice. Elle a commencé à travailler à l’âge de 20 ans en tant qu’institutrice.
Elle n’a aucun souvenir de la période de mise en place des ordonnances à l’origine de la création de la sécurité sociale. En toute logique, tout le monde bénéficie des assurances sociales sauf les gens de maison. Aucune personne n’était contre ce bénéfice. Elle a obtenu sa première carte d’immatriculation à la sécurité sociale, dès le début de son travail en 1960, à 21 ans. Ses parents étaient assurés aussi.
Quand les personnes ne bénéficiaient pas de la sécurité sociale ils payaient au fur et à mesure pour se soigner. Quand une personne était malade ou avait un problème de santé, ils payaient d’avance et parfois en nature (poulet, lapin ...). En ville, le cabinet médical se situait tout près du domicile et on pouvait consulter facilement le médecin. Elle faisait l’avance des frais de consultations quand elle allait chez le médecin, mais elle ne se rappelle pas si c’était cher. Pour se faire rembourser de sa visite médicale, elle envoyait les feuilles à la MGEN et elle était entièrement remboursée. Pour se procurer des médicaments, elle allait à la pharmacie, et était entièrement remboursée de ses médicaments. Il y avait beaucoup de pharmacies en ville.
Quand une personne était handicapée et/ou tombait gravement malade, elle se débrouillait pour survivre et percevaient peu d’aides financières, jusque dans les années 80. Lorsqu’une personne tombait malade elle ne touchait pas d’indemnités maladie si elle était en arrêt de travail, avant la mise en place de la sécurité sociale. Quand elle a été mise en place c’étaient des cotisations patronales et salariales qui servaient à la financer.
Pour les suivis médicaux des enfants, il suffisait d’aller chez le médecin. Les parents ne les y accompagnaient que quand ils étaient malades. Les enfants ne possédaient pas de carnet de santé, elle-même n’a jamais eu de carnet de santé. Ils n’étaient vaccinés que lorsque c’était obligatoire. Les vaccins obligatoires étaient ceux de la variole, de la diphtérie et cela après la création de la sécurité sociale, avant il n’y avait pas d’obligation. Les enfants étaient sous le même numéro d’assuré que leurs parents.
Avant, les personnes en général ne prenaient pas soin de leur dentition comme maintenant, et n’allaient pas régulièrement chez le dentiste. Il y’avait pas de dentiste à la campagne, mais on en trouvait beaucoup en ville. Les prothèses dentaires et les soins n’ont été remboursés qu’après la mise en place de la sécurité sociale, ils sont autant remboursés aujourd’hui. Pour certaines personnes ces dépenses étaient difficiles à assumer.
Quand des personnes avaient des problèmes de vue, ils allaient chez l’ophtalmo, qui ne se trouvait qu’en ville. Les soins étaient remboursés normalement (comme aujourd’hui), et les lunettes très mal remboursées. Ces dépenses là étaient aussi difficiles à dépenser. Maryvonne est fille unique, ses parents ne touchaient donc pas d’allocations familiales. Elle a connu ses grands-parents, ils vivaient dans leur propre maison. Ils touchaient de faibles pensions de retraites.
Ce témoignage nous a apportés des connaissances et cet entretien nous a permis de prendre conscience de l’importance de l’arrivée de la protection sociale, Maryvonne n’a pas été concernée par l’arrivée de la sécurité sociale puisque son père était artisan, donc travailleur indépendant. Elle a été assurée par la MGEN (Mutuelle Générale Education Nationale) quand elle a commencé à travailler et sa famille n’avait pas de difficultés financières particulières.

Entretien n°9 : Germaine et Bernadette

Clothilde, Anaïs, Emma, Margaux
Nous nous sommes déplacées à l’EPHAD des Camélias à Pont L’abbé le 16 janvier 2018 à 10h30 dans le but de rencontrer deux personnes âgées. Nous étions trois, une prenait les notes et les deux autres posaient les questions. Nous avons rencontré Germaine et Bernadette ; Germaine est née le 3 mars 1930 à Casablanca, elle a donc 88 ans. Fille unique, son père était marin et sa mère femme au foyer. Elle a étudié pendant 17ans puis elle a suivi une formation pour travailler à Paris aux PTT ( la poste) jusqu’à son mariage après lequel elle deviendra femme au foyer. Elle a beaucoup voyagé entre Paris et Pont-L’abbé. Elle a perdu ses deux fils et son mari à 2 ans d’intervalle. Elle a connu ses grands-parents qui n’avait pas de pension de retraite et qui vivaient dans une ferme. Bernadette est née le 1er janvier1923, elle a donc 95 ans. Née dans une fratrie de 9 enfants, son père était navigateur et sa mère femme au foyer. Elle n’a jamais travaillé car elle était considérée inapte au travail (handicapée). Elle a eu plusieurs enfants, l’aîné a 68ans et le plus jeune 47 ans.
Nous leur avons posé plusieurs questions sur la naissance de la sécurité sociale et leur jeunesse. Pour commencer nous les avons interrogées sur le thème de la santé durant leur jeunesse. Elles nous ont expliqué qu’il était difficile de se soigner car cela demandait beaucoup d’argent, ce que beaucoup de familles n’avaient pas. Vivant toutes les deux à Pont-L’abbé, elles disent toutes deux avoir eux la chance d’avoir un cabinet médical près de chez elles, de pouvoir prendre des rendez-vous facilement avec les docteurs, qu’il y avait trois pharmacies, un dentiste, mais que malheureusement les frais étaient trop chers et donc à la place, elles allaient voir les bonnes sœurs qui ne faisaient pas payer les consultations. Il n’y avait pas de Samu, les conditions de soins dans les hôpitaux étaient difficiles, il y avait au moins 40 personnes par pièces.
Il existait seulement 2 vaccins dont le BCG, contre la tuberculose. Après un rendez-vous, le docteur généraliste donnait une ordonnance aux patients ; ils devaient donc aller en pharmacie acheter leurs traitements et devaient payer l’intégralité. Nous leur avons également posé plusieurs questions sur le déroulement de la vie quotidienne à l’époque de leur jeunesse. Elles nous ont raconté que les dépenses étaient difficiles pour beaucoup de personnes, lorsqu’elles étaient malades elles ne se soignaient pas forcément. Quand les gens avaient des problèmes de vues ils utilisaient des loupes pour lire ou alors des petites lunettes achetées en pharmacie. Il y avait malheureusement peu d’opticiens. Pour améliorer les problèmes d’ouïe, ils utilisaient un instrument mobile spécifique. Leurs parents ne percevaient pas d’allocations familiales, mais ont eu droit à une petite retraite.
Ce qui a changé leur vie sont les congés payés arrivés en 1936, quand les parisiens pouvaient enfin découvrir la mer, ainsi que l’arrivée de la sécurité sociale en 1945, juste après la guerre. Pour elles cela a révolutionné leur vie et leurs conditions de vie sont devenues plus confortables. Tout le monde en était content, malheureusement elles s’en souviennent très peu à cause de leur vieil âge. Elles nous ont tout de même raconté qu’elles vivaient énormément en fonction des saisons et que dans le Finistère ils attachaient énormément d’importance à leur alimentation (la galette et la bouillie).
Cet entretien a été riche en échanges intergénérationnels. Nous avons appris plus de choses sur leurs conditions de vies avant la naissance de la sécurité sociale, la difficulté des gens à prendre soin de leur santé car les services étaient trop chers. Nous avons pu constater que la sécurité sociale a fait énormément changé les mentalités et que notre génération prête énormément d’importance à sa santé.